La contamination par la chlordécone

Mis à jour le 20/09/2016

Mécanismes généraux de contamination des plantes, spécificités selon les
espèces, contamination des animaux

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Processus de contamination

La chlordécone n’aime pas l’eau et préfère les matières organiques ou vivantes

Outre sa grande persistance, trois caractéristiques de la molécule de chlordécone expliquent les mécanismes de contamination des plantes.

  1. La contamination des plantes se fait essentiellement via le sol et pas par l’air car la chlordécone est peu volatile.
  2. La chlordécone est peu soluble dans l’eau et elle a une faible affinité pour l’eau. On la retrouve donc en faible quantité dans l’eau, y compris dans l’eau du sol.
  3. Mais elle a une forte affinité pour la matière organique, tant celle du sol que celle des végétaux, et les lipides.

Les sols antillais sont souvent très riches en matières organiques sur lesquelles la chlordécone reste fixée. Cela limite le transfert de la chlordécone vers l’eau contenue dans le sol, appelée solution du sol et donc sa diffusion dans l’environnement. Mais les sols sont soumis à de très grandes quantités d’eau qui  s’infiltrent après les pluies, ce qui permet tout de même une mobilisation de la molécule.

Seule une partie de la chlordécone du sol est disponible pour contaminer les plantes, elle diffère selon le type de sol

L’étude de la contamination de légumes racines et cucurbitacées (courgette, concombre et giraumon) sur différents types de sols, a montré que plus un sol est contaminé, plus les plantes qui y poussent sont contaminées. Cette relation est généralement proportionnelle. Cependant, ce n’est pas la quantité de chlordécone dans le sol mais la fraction disponible dans la solution du sol qui définit la capacité d’un sol à contaminer. Car, même si la chlordécone est peu soluble, une petite partie est intégrée dans l’eau contenue dans le sol.

Les conditions de culture (apports en eau, matières organiques du sol, argiles…) ont donc un impact sur la contamination des plantes.

La quantité de chlordécone disponible pour la plante dépend notamment de la teneur en matières organiques et du type d’argiles présentes dans le
sol. Ainsi, le pouvoir contaminant des nitisols et des ferralsols, sols du Centre de la Martinique, est plus grand que celui des andosols, sols jeunes du Nord de la Martinique. Les nitisols et ferralsols sont constitués d’argiles classiques (en feuillets), en revanche les andosols contiennent une argile particulière (allophane). Les agrégats spongieux d’argile allophane piègent dans leur porosité la chlordécone. De plus, les andosols sont très riches en matière organique.

La structure « en éponge » de l’argile des andosols et leur teneur élevée en matière organique limitent le transfert de chlordécone du sol vers l’eau etles cultures.

La chlordécone se colle à la surface des racines et diffuse dans la plante avec l’eau absorbée

Les végétaux sont contaminés via leurs racines par deux phénomènes : le contact et la diffusion passive avec l’eau.

  • Contamination par contact

La partie externe des racines fines et des organes de stockage souterrains (tubercules, bulbes…) est rapidement contaminée par contact direct avec la
chlordécone du sol, en raison de l’affinité de la molécule pour la matière vivante.

  • Diffusion passive avec l’eau

La chlordécone pénètre aussi dans les racines par diffusion passive, entraînée avec l’eau du sol. Elle diffuse ainsi vers l’intérieur de la racine et suit le flux hydrique montant dans la plante grâce à l’évapotranspiration. La chlordécone qui pénètre dans les racines est donc la source principale de contamination de la plante entière. Cette contamination s’effectue via la sève brute et le réseau du xylème.

Les racines, voies d’entrée de la chlordécone dans la plante, sont plus contaminées que le reste de la plante. Et la peau des racines et tubercules est souvent beaucoup plus contaminée que la pulpe.

Si les racines peuvent être très contaminées, les feuilles et les fruits le sont beaucoup moins

La contamination des plantes par la chlordécone présente dans le sol s’effectue via les racines, points d’entrée de la chlordécone dans la plante.

 Pour toutes les plantes :

  • Les racines sont plus contaminées que la tige, elle‐même plus contaminée que les feuilles et les fruits.
  • Plus la distance avec les racines est grande, plus la teneur en chlordécone diminue.

Le gradient de contamination dans la plante explique que :

Les racines, tubercules et autres parties souterraines sont les
productions les plus fortement contaminées.

Les laitues, cives et bas de tige de canne à sucre peuvent être
contaminés au‐delà de la limite autorisée (dépassement possible de
la limite maximale de résidus).

 

Les bananes et les fruits d’arbres ne sont pas ou très peu
contaminés, même cultivés sur des sols très pollués.

 

Spécificités de certaines cultures

Courgette, concombre, giraumon sont les seules plantes dont les fruits peuvent être contaminés à des niveaux dépassant la limite maximale de résidus. Cette famille de plantes, les cucurbitacées, est connue pour son aptitude à être contaminée par les polluants du sol. Cela pourrait être lié à des mécanismes particuliers de transport de molécules dans la plante et à des substances sécrétées dans le sol pour faciliter l’absorption des nutriments, les exsudats racinaires, qui pourraient augmenter la disponibilité de la chlordécone pour la plante.

Pour plus de simplicité, les cultures ont été regroupées en trois catégories en fonction du risque de contamination de leur production : peu sensibles, intermédiaires ou sensibles.

Dans un même groupe de cultures, les espèces se contaminent différemment. Parmi les cucurbitacées, les fruits de christophine sont peu contaminés et ont été classés dans la même catégorie de risque de contamination que les fruits d’arbres.

Inversement, les fruits de la courgette sont les fruits qui se contaminent le plus, suivis par ceux du giraumon et ceux du concombre : ils appartiennent tous les trois à la catégorie de risque intermédiaire. Parmi les racines et tubercules, la dachine, tige modifiée, est plus facilement contaminée que l’igname et la patate douce, qui sont des racines de stockage.

Ces différences entre espèces pourraient être en lien avec les substances sécrétées (qualité et quantité) ou avec la composition des organes (teneur en eau, en lipides, en fibres) et leur nature (tige ou racine). Des recherches complémentaires seraient nécessaires pour confirmer ces hypothèses.

D’autres mécanismes influençant l’importance du flux hydrique dans la plante pourraient également jouer un rôle.